Roucoulades
Un peu paresseusement, je m’étire avec lenteur. La fraîcheur du matin me surprend et j’ouvre grand la porte qui donne sur le jardin pour profiter de cet instant de calme….
Calme ? Pas si sûr. Quelle agitation dans les cyprès !
Un couple de tourterelles niche à la cime de l’un d’entre eux, un arbre costaud, bien touffu. Leur petite maison doit être à l’abri du soleil mordant, des vents impétueux et des pluies glaciales. Résidence de luxe, avec vue imprenable sur la plaine et les champs du côté nord, et au sud sur mon jardin. Bref, un petit nid d’amour.
Malgré tous ces avantages, Madame et Monsieur sont en bisbille, et cela barde ! Cris déchirants et coléreux, poursuites d’arbre en arbre, disputes véhémentes. Toute la haie ploie et frémit sous leurs coups d’ailes, leurs envolées furieuses et leurs atterrissages (« arbrissages » serait plus à propos) bruyants. Je comprends cette fois beaucoup mieux l’expression « se faire voler dans les plumes ».
Je voudrais prendre mon petit déjeuner tranquillement, alors serait-il possible d’aller vider votre querelle un peu plus loin ?
Enfin, un peu de répit et je peux savourer une tasse de thé, surveillée par deux rouge-queue posés sur le portail et papotant gentiment.
La chatte des voisins, passe, royale, la tête haute. Elle inspecte « son » domaine. Nez en l’air, elle hume les senteurs matinales, et traverse lentement la pelouse humide, ne daignant même pas m’adresser un regard.
Tout est calme ! Ou presque….
Les cloches de l’église du village sonnent et invitent à s’activer. Un moteur de tracteur ronronne. Un rapace lance son cri strident. Des chiens aboient dans le lointain. Le vent se lève par rafales et les trembles grelottent.
….Et notre couple, enfin réconcilié, roucoule, se poursuit malicieusement, se pose sur l’antenne, s’apostrophe amoureusement !
Chut, je médite !