Bio Gazon
Promenade dans un village pittoresque.
Des jolies maisons en pierre et des jardins fleuris.
D’ailleurs, un jardinier tond la magnifique pelouse bien verte, épaisse, entourée de bosquets. Elle ressemble presque à un green de golf.
En contrebas, un verger avec des arbres bien alignés. Deux poiriers et deux pommiers sont palissés contre le mur crépi. Deux cerisiers, deux abricotiers, deux pruniers sont taillés en forme. Leur pied est biné, pas une herbe !
Un petit bassin reçoit l’eau claire d’une fontaine crachée par une sirène.
« Dis-moi, joli bourdon, pourquoi tournes-tu ainsi ? Il y a de quoi t’occuper ailleurs, non ? »
« Oh, ma pauvre fille ! Ici, ils ont des jolis jardins, mais je ne peux pas y entrer. »
« Ils ne sont pas assez grands pour toi ? Pourtant, c’est immense ! »
Je n’ai pas le temps de continuer ma conversation car le jardinier vient vers moi.
« Je vois que vous admirez les lieux. Voulez-vous visiter ? »
« Bien volontiers, merci »
« Voyez-vous, avant ici, il n’y avait rien, juste des arbres, des murs de pierre sèche, de la garrigue et des ronces.
J’ai tout fait enlever avec un gros engin, et j’ai semé de la pelouse, planté des rosiers et des arbustes d’ornement ».
Je me hasarde à une remarque :
« Mais, n’y avait-il pas des plantes locales, des petits animaux et des insectes ? »
« Bien sûr, il a fallu s’en débarrasser, cela gênait mes cultures. On a fini par mettre de la vraie terre apportée par camions, et de l’engrais pour faire pousser le gazon. Et il est beau, bien gras. Pas de mousse, je mets du produit chaque printemps.
« Vous avez également installé une fontaine ? »
« Oui, et je traite l’eau pour éloigner les insectes et les oiseaux qui pourraient salir la margelle. Ainsi, pas de souci, l’eau reste bien transparente ».
« Avec vos jolies bordures fleuries, vous n’avez pas d’escargots ? »
« Il y en avait beaucoup au début, et ils abimaient mes fleurs. Mais enfin, je suis tranquille, quelques granulés font merveille ».
Au fond du jardin, sous les arbres, un chalet bien coquet dissimule tous les outils.
Le monsieur continue :
« Ici, tout est bien rangé. Moi j’aime l’ordre ».
Effectivement, râteau, bêche, pelle et matériel d’arrosage sont accrochés sur les parois en bois. Tout est aligné. Et sur les étagères, des boîtes colorées, de tout format. De quoi lutter contre toutes les maladies, les parasites, les insectes. Avec la chaleur, l’odeur âcre me saisit à la gorge.
Je prends congé en remerciant, et je marche lentement sur le sentier qui borde ce « paradis ».
Monsieur le Bourdon me rejoint et m’interroge :
« Alors, cette fois, tu as compris ? Je n’ai pas ma place là-bas ! ».
Il s’éloigne, puis revient vers moi :
« As-tu un jardin toi aussi ? »
Je hoche la tête affirmativement.
« Et il est comment ? »
« Avec des herbes folles, un mur en pierre, des orties, des bosquets, des feuilles mortes, des tas de bois, un compost. Ce pauvre jardinier trouverait que c’est une belle pagaille. »
« Il est loin, ton petit bazar ? »
« Non, juste derrière le bois ».
« Je viens avec toi ».
« Mais il y a aussi des oiseaux dans mes arbres, tu risques de finir gobé ».
« Ce sera une meilleure fin que d’agoniser à cause des poisons ».
Monsieur Bourdon se pose sur mon antenne, et je roule au ralenti. Nous y voilà.
Bienvenue…