Sport extrême ! Facile !
Un soleil radieux inonde le jardin. Tout est prêt pour notre virée…
Vérifications : Sac à dos avec la pharmacie, le repas, et les jumelles. Appareil photo et gros objectif.
Pantacourt, tee-shirt, débardeur, gilet… Ok !
Direction le Vercors pour une randonnée. Le topoguide indique : 2h30, et niveau facile. Donc parfait pour nous.
Nous laissons la voiture sur un parking « au bout du monde », après avoir emprunté une petite route sinueuse. C’est parti, traversée du village, puis les panneaux indiquant le sens de la promenade.Tranquillement, nous longeons le vallon. Rencontre avec un tout petit papillon bleu agité, et un lézard qui se prélasse.
Je reprends ma feuille de route : « Le chemin se transforme ensuite en sentier ». Nous y sommes ! Oh, mais cela grimpe. Normal, puisque nous voulons aller sur le plateau.
Le sentier est maintenant tortueux, rempli de pierres et de racines. Il faut se tenir aux arbustes, s’agripper à l’herbe, grimper sur les lauzes. Le sac pèse sur mon dos, et je pose souvent l’objectif afin de ne pas le bousculer pendant les portions d’escalade.
Randonnée facile ? Oui pour les chèvres et les chamois…
La température monte, et je quitte peu à peu le gilet, puis le tee-shirt. Bon, je garde le débardeur…Mais la bretelle du sac est désagréable à supporter.
« Sur votre gauche, une petite cascade » : elle est à sec !
« Le sentier monte encore avant de parvenir sur la crête rapidement ».
L’adverbe me parait bien peu adéquat. La pente est encore plus ardue dans cette seconde partie et le carrefour semble bien lointain. Mais nous prenons le temps d’admirer chaque parcelle qui se découvre après un virage et C. prend beaucoup de photos, le site nous inspire.
Après un énorme effort, nous parvenons enfin au tournant de la balade et nous quittons le chemin de grande randonnée. Nous avions presque envisagé avant le départ de pousser un peu plus loin pour tenter de voir quelques bouquetins. Mais notre envie a été un peu émoussée …
Prochaine étape : 15 minutes, (d’après le guide…).
Quelle vue sur le vallon ! La grimpette est plus douce mais elle continue sous le soleil. Et notre matériel pèse. Par endroits, quelques buissons un peu plus touffus nous permettent de nous abriter pour nous éponger le front, changer les bagages de main et avaler une gorgée d’eau.
Enfin, la récompense est là, nous avons atteint le belvédère. Il y a même un joli rocher pour nous asseoir à l’ombre. Nous posons sacs et étuis.
Derrière nous s’élève une paroi à pic. Çà y est, nous les voyons ! Qui ? Les vautours, ceux qui ont motivé notre déplacement. Ils planent majestueusement vers la tête du rocher.
Vite, les jumelles et le spectacle est incroyable.
C. sort le gros zoom pour faire des photos inoubliables. Mais ils sont très loin de nous et nous n’aurons pas hélas le « scoop » attendu.
Bien fatigués, nous nous posons sur notre siège improvisé. Et nous partageons notre "salon" avec un monsieur charmant qui nous parle en anglais, bientôt rejoint par toute sa famille très volubile. Trois générations qui déboulent et commentent la beauté du lieu (enfin, c’est ce que nous interprétons de leur conversation en hollandais). Nous leur prêtons nos jumelles pour qu’ils puissent eux aussi profiter du vol des gros « birds ». Plus actifs que nous, ils repartent et nous mangeons tranquillement, en saluant tous les marcheurs qui passent et papotent, rouges écarlates, dégoulinant de sueur.
Et dans ce lieu magique, au cœur des falaises, loin de tout, mon téléphone sonne, objet incongru dans ce cadre sauvage pour me délivrer une photo d’une plage au Portugal… Le monde est minuscule… Un clic, et hop j’envoie aussitôt une photo en retour…
Je range mon appareil dans ma poche, nous fermons les sacs, nous démontons l’objectif.
Nous voici de nouveau chargés pour la suite du voyage. L’arrêt a été bénéfique pour nous reposer, mais nos jambes tiraillent un peu.
« Vous êtes à 1 heure du village ». Bon, nous devrions boire notre café en début d’après-midi si tout va bien. Quoique ! Une heure ? Nous avons un peu des doutes.
Le sentier traverse les sous-bois et nos pieds s’enfoncent dans un tapis d’humus souple et odorant. Je m’éloigne un peu pour satisfaire un petit besoin naturel et je me cache derrière un arbre sur un talus. Mon pied dérape sur une pierre en équilibre qui dégringole. Je n’arrive pas à la remettre à sa place car toute la terre a glissé avec elle, mais je fais au mieux pour qu’elle ne puisse pas gêner les passants, un peu ennuyée de ce dégât.
Effectivement, maintenant le chemin est facile…mais cela ne dure vraiment pas. La pente devient très abrupte et les feuilles collent sous nos chaussures. Un replat salutaire, et nous quittons la forêt pour entamer une descente périlleuse au milieu des pierres qui roulent sous nos pieds.
Sur le bas-côté, un immense rocher témoigne encore de l’époque glaciaire.
Enfin, un panneau indiquant « Village : 20 minutes ». Au milieu des éboulis, nous trouvons chaque pas pénible, dangereux.
« Village : 15 minutes ». Comment, ont-ils fait pour ne mettre que si peu de temps ? Cela nous semble interminable.
Petite pause car nous sommes épuisés. Je m’essuie le front et en sortant mon mouchoir, je constate que ma poche est vide… Non, c’est impossible…Je suis beaucoup trop cramoisie pour devenir livide mais je me sens liquéfiée… Mon téléphone !!!
Il doit être dans le sac. Nous vidons tout dans l’herbe, nos mains fébriles fouillent en vain.
Une évidence s’impose : il est tombé de ma poche lors de mon petit arrêt sur le talus…
Tout, tout là-haut ? Oui oui, tout là-haut…Je lève la tête, et la falaise aux vautours m’apparait dans le lointain.
Que faire ? J’en ai absolument besoin. Mes patients doivent pouvoir me joindre…
Gentiment, C. me dit qu’il va se charger de tout notre matériel pour finir doucement le parcours pendant que je remonterai.
Remonter, c’est une blague ? Mais, je n’y arriverai jamais, je n’en peux plus. Hélas, il n’y a pas d’autre solution.
Avec un grand soupir, j’entreprends l’ascension en sens inverse. D’abord, le chemin plein de cailloux, et cela se passe bien. Je respire lentement et je continue, je croise le rocher, le replat. Devant moi, la pente me semble infranchissable. Mes muscles souffrent. Un pas après l’autre, un pas et encore un pas. Je puise dans mon énergie, la tête me tourne un peu, je suis trempée. Je me compare au pèlerin qui se surpasse pour atteindre son but. D’accord, ma quête est moins noble que la sienne…
Je dois y croire. Je me motive, je m’encourage, je me fustige, je me gronde, je me félicite… Le grand virage, et j’attaque le sous-bois. Monter, encore monter.
Voilà la pierre … Je regarde, mais point de téléphone. Gros découragement. En examinant les lieux, je ne suis plus sûre que ce soit là. Non, je ne suis pas allée assez loin. Je reprends la marche, encore, et encore. Une grande ligne droite, une pierre en équilibre, un talus, un arbuste… Le cœur battant je scrute l’amas de feuilles… Il est là ! Il est là !
Toute ma fatigue est oubliée, je me sens légère, remplie de gratitude, soulagée… Je trouve une branche qui me servira de bâton et d’un pas gaillard je fais demi-tour…Le sous-bois, le virage, la pente abrupte, le replat. Tout me semble aisé.
Coucou le gros rocher, me revoilà encore… Et le pierrier, les pierres instables. J’assure mon équilibre, je plante ma canne, chacun de mes pas est un cadeau, de l’énergie que j’envoie. J’effectue ce retour comme une méditation…
C. M’attend bien sagement à l’entrée du village, je plonge mes mains dans la fontaine où coule une eau fraîche. Nous nous désaltérons à l’auberge. Quelle belle journée…
[Il parait que la technologie moderne nous empêche de faire du sport car nous sommes accros aux écrans … J’ai démontré que c’était faux. N’est-ce pas ?]
Morale :
Lorsqu’on y croit, l’impossible se transforme, nous repoussons les frontières de nos capacités. Et ces frontières, ce sont celles que nous nous imposons comme un carcan, comme une barrière. Jamais je n’aurais cru possible pour moi de réaliser ce parcours, et chacun de mes pas m’a couté. Mais je n’ai jamais douté (enfin presque…). Heureusement, mon ange gardien veille sur moi…et même sur mon téléphone…!