Complainte pour mes pieds fatigués
Minuscules petons sont bien mignons dans leurs chaussons de laine. Ils gazouillent,font des bulles au bout des jambes potelées et créent des éclats de rire en jouant à cache-cache.
Petits pieds ont appris à marcher en chancelant puis à courir agilement dans la cour de récréation, à gambader et à sauter à la marelle.
En grandissant, ils galopent, escaladent les montagnes, parcourent les routes, sillonnent le pays, traversent la planète.
En tennis, pour aller vite. En ballerine pour trottiner. Avec des bottes pour se réchauffer. En claquettes sur la plage ou en souliers vernis sur les Champs Elysées.
Quelquefois, ils peinent dans les escarpins neufs, juchés sur des talons hauts. Qu’ils sont élégants, toisant le monde, affichant des ongles rouges insolents.
Avons-nous vraiment le temps de vagabonder, promener ou même flâner les doigts de pied en éventail ?
Allez, en avant, toujours plus loin, encore plus haut. Les pieds sont faits pour marcher, patiner, pédaler, bondir, glisser, voyager. Pas de discussion.
Je ne les ménage pas et ils crient leur souffrance, m’imposent des bobos, rouspètent en durillons, explosent en ampoules douloureuses.
Puis peu à peu, les jambes deviennent moins alertes. Les pas peu assurés maintenant, et une canne équilibre la démarche des vieux pieds endoloris.
Des pantoufles douillettes, des mocassins confortables, un coussin pour les surélever sur le canapé. On les bichonne, on essaie de les soigner. Il est temps de faire cas de leurs déformations qui racontent leur histoire.
Merci à mes pieds de m’avoir portée si longtemps, emmenée si loin. Je les repose et je les aime après les milliards de pas qu’ils ont effectués dans mon existence.
Et marcher des kilomètres, plusieurs fois le tour de la Terre… Quelle vie ….Pour des pieds !