Enquête au Potager
L’automne est venu en catimini, comme un brigand… Pourtant, le soleil brille encore de tous ses feux dans la journée et réchauffe le jardin.
Alors la saison est un peu jalouse qu’il ne s’éclipse pas enfin pour lui laisser sa place. Mais elle se venge dès qu’elle en a l’occasion, étendant son ombre fraîche et humide. Ce matin, les nuages recouvrent le ciel de coton blanchâtre et elle en est ravie.
Au potager, les légumes eux, sont inquiets. Depuis le début de l’été, un être peu scrupuleux hante les parages et Hector Poireau est sur les dents, enfin manière de parler… Ce matin, il a décidé d’entendre tous les témoins afin de trouver le coupable. Il a déjà sa petite idée, mais aucune preuve dans son dossier.
Alors, il s’installe confortablement au milieu de la rangée de carottes. Son amie Fanette lui a fait une place de premier choix et elle propose que son fils aîné, qui a fait ses armes dans l’armée de terre aide le vieux colonel. Hector accepte cette proposition avec soulagement, le renfort sera bien utile pour démêler cette intrigue compliquée. Aussitôt, le jeune soldat se met au garde à vous pour le saluer, et Hector se redresse de toute sa hauteur. Il sait qu’il a fière allure avec ses longues tiges droites, et il impose le respect… Petit plumeau en bégaye d’émotion :
« A vos ordres mon Colonel ! »
« Commençons par les framboises qui sont justes derrière nous »
Toutes rougissantes d’être les premières à subir l’interrogatoire, elles s’inclinent vers Hector.
« Qu’avez-vous à me dire concernant ce rôdeur ? »
« Rôdeur, rôdeur ! Gémissent-elles en cœur. Si ce sacripant se contentait d’une promenade ! Mais il s’est permis de croquer plusieurs copines »
« L’avez-vous vu ? Quelle description pouvez-vous m’en faire ? »
« Hélas, il est trop rapide. Nous nous sommes juste senties bien secouées, et hop, plusieurs fruits ont disparu. En tout cas, il est petit. C’est certainement un nain de jardin. »
Après ce premier résultat décevant, le colonel choisit de parler avec les champignons. Au niveau du sol, ils ont certainement une meilleure visibilité et vont pouvoir lui donner des indications. Avec l’humidité, ils sont nombreux et variés, et ils se bousculent pour répondre à ses questions.
Un chapeau rouge à pois blancs ne laisse pas ses congénères en placer une. Sa gouaille résonne, et il étale tout son savoir. Il a entendu un petit bolet appeler au secours lorsqu’il s’est fait dévorer mais il était occupé, lui… Il donnait des conseils avisés au jeunot qui se cache derrière les fleurs et les feuilles. Et son avis à lui, c’est qu’il s’agit d’une sorcière qui hante le jardin.
« C’est bien connu n’est-ce pas que les sorcières recherchent des champignons ? D’ailleurs, elle a bien gratté la terre et elle a certainement enfoui des potions magiques. Bon, moi, je ne l’ai pas vu, mais j’essaie de vous aider. »
Hector Poireau commence à s’agacer sérieusement et Petit Plumeau cherche à apporter ses lumières.
« Mon colonel, j’ai vu Madame Chanterelle et sa fille, mais elles n’osent pas vous parler. »
Aussitôt, Hector l’interroge, adoucissant sa voix pour ne pas les effrayer.
« Eh bien, ma bonne dame, avez-vous aperçu notre coupable ? »
« Nous étions très nombreuses sous le feuillu dans la clairière. Et lorsque la pénombre a enveloppé la forêt, elle est arrivée et a dégusté plusieurs amies, avant de repartir rapidement… »
«Elle ? Qui elle ? »
« Ben, je ne sais pas. Je crois qu’il s’agit d’une girolle. »
« Une girolle ? Mais voyons c’est impossible ! Pourquoi une girolle ? »
« A cause de sa couleur, presque rousse comme nous. »
Petit Plumeau est découragé. Mais Hector lui murmure qu’ils ont enfin plusieurs éléments à mettre au dossier.
Le potiron qui écoute avec attention, rit aux éclats.
« Vous n’êtes pas bien avancés avec ça hein. Du roux, il y en a plein en automne. Vous n’avez qu’à regarder Petit Plumeau ! C’est peut-être lui ! Ou moi… Bon, ici, j’ai senti que un truc doux passait près de nous et je lui ai fait peur à votre girolle volante. Grrr, je peux être terrrrible ! »
Hector commence à en avoir assez de tous ces clowns qui perturbent son enquête. Gentiment mademoiselle Chou vert intervient :
« Mon colonel, avant-hier, avec le vent, j’ai entendu le noisetier qui se plaignait d’une effraction violente, et il discutait avec Voilà, le bonhomme qui surveille les plantes aromatiques.»
« Oh merci, vous êtes vraiment chou ! »
Mademoiselle en frétille dans toutes ses feuilles, et elle manque d’en rougir.
Cette fois, voici une piste sérieuse, et Hector reprend espoir. De sa voix la plus grave, il interpelle Voilà.
« Holà mon Bonhomme, dis-nous un peu ce qui s’est passé près du noisetier. »
Une voix tranquille lui répond.
« Mon colonel, je ne peux pas me retourner pour tout observer, mais une sorte de lutin espiègle et vif a grimpé avec une agilité extraordinaire dans les branches de mon ami qui bien sûr, a été éprouvé par les secousses. Pftt, en quelques secondes et en 3 bonds, il était redescendu, et il a fureté dans mon dos pour enterrer son trophée. Puis il a disparu aussi vite qu’il était apparu, mais je l’ai entendu grimper dans le grand chêne. Alors c’est évidemment un petit lutin. »
Petit Plumeau n’est vraiment pas convaincu par ce dernier témoignage.
Mais le colonel Hector Poireau arbore un grand sourire… Il a deviné qui était le coupable de tout ce remue-ménage….
Et vous ?
Aviez –vous suivi la première enquête d’Hector Poireau ? Vous pouvez la retrouver dans « Drââme au Potager » publié en mai 2017 avec le lien ci-dessous :
http://www.pensees-polychromes.com/2017/05/enquete.html