Anémone, la fille du vent
Te souviens-tu, mon amie la rose, de cette petite griffe plantée en automne à l’ombre de tes fleurs ? Minuscule et un peu ridicule, j’étais une petite chose rabougrie et desséchée, racornie et tourmentée. Remplie de compassion, tu t’es penchée vers moi pour me rassurer de ta présence généreuse.
Peu à peu, avec les pluies, mon corps a pris de la vigueur et je n’ai pas eu peur de lancer mes petites racines autour de tes pieds, t’enlaçant et entremêlant sans vergogne mes membres chétifs avec les tiens si robustes.
Je sentais près de moi la présence de mes sœurs. Elles me frôlaient et me racontaient des histoires lors de la pleine lune, des contes fantastiques d’un monstre aveugle qui dévore les jeunes bulbes savoureux et dodus en creusant ses galeries.
Te souviens-tu, mon amie la rose, comme tu souriais de mes peurs, comme tu me consolais lorsque je tremblais de froid l’hiver venu ? Tu savais déjà que c’était le moment du repos pour faire tes provisions d’énergie.
Toi, tu perdais tes feuilles, mais cela ne t’inquiétait pas. Lorsque la neige avait fait un tapis moelleux, je n’entendais plus les bruits du jardin. Tu étais heureuse de ce cocon blanc qui fondrait peu à peu en te désaltérant.
Avec le retour de la douceur, tu as sacrifié ta chevelure et tes longues branches décharnées. Quelques coups de sécateurs, et tu es redevenue petite mais vigoureuse, prête pour une nouvelle conquête.
Te souviens-tu, mon amie la rose, de mes velléités de découverte ? Tu m’as encouragée à sortir de ma réserve, à m’extirper de la terre meuble, à pousser à l’air libre ? Et je suis partie à l’assaut du monde. Une tige, quelques feuilles et la griserie de la liberté malgré les dangers. Un bourgeon timide, puis plusieurs boutons corsetés, rien n’arrêtait ma croissance.
J’ai rayonné de bonheur, ouvrant mes pétales colorés, livrant mon cœur d’ébène bleuté. J’ai connu le plaisir sensuel d’une abeille enivrée de pollen, et la plénitude de mes graines qui s’envolent dans la brise.
Mon amie la rose, reine des fleurs, merci de m’avoir accueillie dans ton royaume, moi la petite princesse sauvageonne, fille du vent printanier.
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Me l'a dit ce matin
A l'aurore je suis née
Baptisée de rosée
Je me suis épanouie
Heureuse et amoureuse
Aux rayons du soleil
(chanson interprétée par Françoise Hardy)
Pour en savoir plus :
L'anémone est une fleur de la famille des Renonculacées que l'on retrouve dans toutes les zones tempérées du globe. L'anémone est citée dans de nombreux recueils de mythologie, cette fleur étant très symbolique. Le mot anémone signifie, en grec, ""fille du vent"", ce nom provient des graines d'anémones semées naturellement grâce au vent.
Dans la mythologie grecque Anémone est une nymphe dont s'éprend Zéphyr, dieu des vents. La femme de ce dernier, par jalousie, la transforma en fleur. Anemos, en grec, signifie « vent ».
Le genre Anemone, de la famille des Renonculacées, comprend environ 120 espèces ainsi que de nombreux cultivars couvrant à peu près toute la palette des couleurs.