Discussion avec un Pinson
Il fait bien doux ce matin, le temps idéal pour une petite marche tranquille dans la campagne. J’abandonne tout, j’enfile un manteau, j’attrape un appareil photo, on ne sait jamais ! Je tire la porte derrière moi, ravie de ce moment que je m’octroie. Trois pas rapides dans la cour et je suis arrêtée brusquement par un chant mélodieux, un gazouillis, des trilles, des dégringolades de notes, des sons infinis…
Levant le nez, je scrute les branches du tilleul, puis la haie de lierre. Le silence s’est fait et plus aucun son ne m’indique la provenance de ce joli chant.
Je tente un pas, puis deux, un peu dépitée… Et je provoque l’envol d’une nuée de moineaux, et de mésanges qui étaient sereinement en train de déguster les graines déposées à leur intention dans les mangeoires.
M’excusant pour le dérangement, je poursuis ma traversée, songeuse. Ce que j’ai entendu ne correspondait pas aux oiseaux entrevus. Mais quel est donc ce chanteur malicieux ?
La réponse est à mes pieds ! Incroyable, mais j’ai failli lui marcher sur les pattes… Là, devant moi, Monsieur Pinson m’observe, tout paré de son joli plastron rose orange. Facile à reconnaître, avec ses ailes striées de noir et de blanc, sa tête ardoise, et son dos brun, c’est un oiseau commun dans nos jardins. Mais je ne le pensais pas aussi peu farouche, et il prend la pose pour que je lui tire le portrait !
« Pink-pink ! »
Monsieur veut engager le dialogue, mais je ne suis pas très à l’aise avec son langage.
« Veux-tu me traduire ton propos ? »
« Je te disais, attention, tu vas me piétiner ! Regarde donc où tu poses tes pattes ! »
« Pardon, mais je ne pensais pas que tu te promenais par terre, mais plutôt dans les arbres. »
« Je vois que tu ne connais pas grand-chose à la gent ailée, même si tu me sembles une espèce géante, ton cerveau n’a pas dû évoluer en proportion. »
« Mais tu pourrais être aimable malgré tout ! »
« C’est vrai, je reconnais que ce n’est pas gentil de ma part. Pink-pink, mais tu m’as fait peur. Je t’expliquais donc que les pinsons mangent souvent sur le sol, des graines pendant l’hiver. Et chez toi, je trouve toujours des bonnes choses dans ton jardin, je te remercie de penser à moi. A la belle saison, je préfère croquer des insectes, quel délice. »
« Tu es tout seul ? »
« Oh non, j’ai beaucoup d’amis et nous vivons en communauté. Tu n’as jamais vu, lorsqu’il y a de la neige, nous arrivons en bandes. Et nous indiquons toujours aux copains les bons plans restaurant. »
« Tu as une copine ? »
« Quelle curiosité ! Non, pas encore, j’étais trop jeune mais je vais bientôt en chercher une pour fonder une famille. D’ailleurs, j’en ai une en vue, et elle est bien jolie.»
J’essaie de me souvenir si les demoiselles pinsons ressemblent aux mâles. Mais mon ami, vraiment désireux de papoter continue son cours d’éducation aviaire….
« Puisque tu veux tout savoir, ma copine n’a pas le même plumage que moi. Elle a moins de couleurs, il faut qu’elle puisse se cacher dans les arbres, et elle ne chante pas. Discrétion, discrétion… »
« Et toi, tu ne te caches pas ? »
« Je vais d’abord chanter en me posant en haut d’un arbre ou bien en vue sur une branche pour lui montrer que je suis le plus beau et le meilleur. Et je vais chasser tous les copains si je veux la conquérir. » Et il se dandine, très fier de lui.
« C’est un chant d’amour alors ? »
« Pas seulement. Oui bien sûr, je vais faire des prouesses vocales pour elle. Mais j’ai beaucoup d’autres partitions musicales, pour faire fuir les autres mâles, pour avertir qu’ici c’est chez moi, ou pour me fâcher si tu ne veux rien entendre ! »
« Lorsque vous serez mariés,… » Je n’ai pas le temps de finir ma phrase….
« Mariés, mariés, n’exagérons pas. Nous sommes très modernes. »
« Tu vas construire le nid et élever tes petits ? »
« Ah non. Çà c’est son boulot. Moi je chante pour défendre notre territoire, je ne peux pas tout faire. Et elle est très douée pour édifier une merveille de logis dans les arbres, très confortable avec un lit de mousse. »
J’aimerais bien poursuivre ce tête-à-tête enrichissant, mais il ne me laisse pas poser une question supplémentaire.
« Bon, c’est bien gentil tout ça mais il faut que je mange. »
Le remerciant de m’avoir tant appris, j’attends qu’il s’éloigne pour reprendre ma marche. Il sautille, s’éloigne puis se retourne.
« Tchip-tchip-tchip ! »
Pour écouter le chant du pinson, appuyer sur la flèche !