Les cartes postales de la coccinelle (2)
Bonjour les amis, me voilà revenue de l’île de Beauté et ce long voyage m’a bien épuisée. Vous vous rendez-compte, des heures sur le bateau sans un seul puceron à se mettre sous la dent… Enfin, j’avais les crocs, si je peux m’exprimer ainsi…. Et mes jolies ailes ont souffert des embruns.
Il est donc temps pour moi de trouver une eau claire et limpide pour me dessaler les élytres. Je vais prendre un peu d’altitude.
Oh, mais je vois des randonneurs, et ils ont l’air bien sympathiques. Je les adopte pour la journée, et je me laisse porter, bien tranquille sur le gros sac à dos du costaud. Au moins j’ai de la place et comme il est grand, je peux regarder au loin. Et une, et deux, on ne faiblit pas, je veux voir du paysage …
Quelle bonne idée, les voilà au bord de la rivière… Mais que se passe-t-il ? Comment ça c’est l’heure de se reposer ? Mais on vient juste de partir. Et les voilà qui s’installent pour manger, lire, et se prélasser sur les cailloux …
Tant pis pour eux, je viens d’apercevoir une copine qui marche tranquillement en prenant des photos. Je suis certaine qu’elle va être trop contente de m’emmener …
Dans les Alpes
C’est vrai qu’elle n’est vraiment pas pressée. Elle est sans cesse en arrêt, plantée devant une libellule, ou une fleur. Et d’ailleurs elle a la gentillesse de m’en poser une juste devant mon nez… Quelle attention pour moi, elle est aux petits soins.
J’en profite pour voleter (avec grâce et légèreté bien évidemment) au ras des vaguelettes, et un virage en piqué, et trois loopings. Un vrai kamikaze. Ce sont mes amies de souche asiatique qui m’ont raconté plein d’histoires de leurs lointaines contrées. Je vais essayer le rase-motte, ou plutôt le rase-ruisseau.
Bon, je vous raconte la suite…. J’ai voulu atterrir avec élégance et j’ai raté la touffe d’herbe. Cela a été style hydravion qui culbute et se retrouve avec un air de sous-marin dans les remous frisquets.
Heureusement que mon amie a vu la scène. Elle n’a même pas eu le temps de me filmer. Mais elle m’a vite repêchée avant la noyade pour me faire sécher sur une grande feuille duveteuse et confortable qu’elle a posée dans une boîte dans son panier. Et comme elle m’a trouvée magnifique, elle n’a pas pu s’empêcher de me tirer le portrait.
Il m’a fallu un long moment pour me remettre, je dégoulinais et le soleil n’était pas suffisamment chaud pour me réchauffer le corps et le cerveau. J’étais verte de honte.
Arrivée près de sa maison, le soir venu, et après des kilomètres de promenade ma sauveteuse m’a souhaité bonne nuit en laissant ma branche près de la cabane en bois de son magnifique jardin.
Imaginez un peu, une aussi grande maison pour moi toute seule…. Enfin presque, car j’y ai découvert des araignées, des abeilles, et même un petit hérisson qui faisait sa tournée bruyamment.
J’y suis restée plusieurs jours pour me restaurer et me refaire une santé. Et j’en ai bien profité de son jardin naturel avant de reprendre mon vol pour rejoindre une autre copine photographe.
Je vais te montrer comme c’est beau près d’ici, m’a-t-elle dit. Alors je ne peux résister à une proposition si alléchante.
Quelques centaines de coups d’ailes (bien sèches) plus tard, et me voici sur son épaule. Je m’accroche car elle est tonique et marche d’un pas alerte. Et elle monte, et elle descend, elle escalade les rochers pour avoir une vue sur l’horizon, et elle dévale les chemins moussus le long des torrents. Je me demande si elle n’a pas oublié que j’étais avec elle. Mais ouf, il ne lui vient pas à l’esprit de plonger sous la cascade ! Je m’en sors bien mais je commence vraiment à avoir mal au cœur.
En Ardèche
Enfin, elle s’assoit sur un petit pont. Je vais pouvoir me dégourdir les pattes. Vous me connaissez, je ne peux pas m’empêcher quelques acrobaties périlleuses sur le bois humide un peu glissant… Non mais, je vois déjà votre sourire en coin. Mais cette fois, ne vous réjouissez pas trop vite, pas de mésaventure ! L’eau glacée, j’ai déjà donné. Alors je suis prudente…
Oh, mais il y a un trésor dans le sac de ma crapahuteuse, des pinceaux et des couleurs. Ouah, une artiste....
Je vous retrouve bientôt les amis, il parait qu’on m’a concocté un programme aux petits oignons (beurk j’aime mieux les tiges de haricots ou de fèves pleines de pucerons). Je n’ose même pas penser à ce qui risque de m’arriver…