Le voyage de Pénélope (suite)

Publié le par Eve

Le voyage de Pénélope (suite)

Je suis suspendue à ses lèvres…
Mais Pénélope mange encore un biscuit et me demande de nouveau un café. Je m’exécute. Enfin, elle continue :

« J’ai senti qu’un sac m’échappait et j’ai eu peur que ce soit celui de l’appareil photo. Et tous les autres ont suivi… En voulant les rattraper, j’ai décalé mon pied et mon talon s’est coincé dans le tapis roulant, je me suis trouvée en déséquilibre. Comme je tentais de rester debout, l’escalator a stoppé brusquement pour se mettre en sécurité, et là, je suis partie dans le sens contraire en m’étalant de tout mon long. Tu imagines la scène !»

Le voyage de Pénélope (suite)

Oui, je peux me faire une idée du tableau ! Surtout que debout sur un pied, elle mime les évènements à grand renfort d’onomatopées. Je surveille sa béquille au cas où elle s’aventurerait de mon côté.
« Me voilà à plat ventre, au milieu de tous les gens paniqués par ma chute et mon hurlement. Mais, quel bol, je n’ai entrainé personne dans ma dégringolade. Cela aurait pu faire comme un domino géant, hein ! »

C’est une chance, si on veut voir les choses positivement
« Je n’ai pas pu me relever. Et il y a eu un vent de panique, entre ceux qui craignaient de rater leur vol et qui continuaient à monter, et ceux qui descendaient pour me porter secours. Et au milieu, ma Philomène, bousculée par les uns et les autres, qui pleurait comme une madeleine et ne savait plus quoi faire… »

Le voyage de Pénélope (suite)

J’attends la suite du récit avec impatience mais elle croque encore un gâteau et pousse un soupir.
« Accélère un peu ton épluchage, sinon tu n’auras pas le temps de mettre le gratin à cuire avant son arrivée. Elle rentre tôt aujourd’hui. »

Elle a raison, je ne suis pas venue la voir pour me reposer, ni pour boire un café tranquillement, grr !
« Si je n’avais pas eu mal, je crois qu’il y avait de quoi rire en observant la situation. J’ai mis un sacré bazar. Et moi ce qui m’importait à ce moment-là, c’était de remettre ma robe correctement puis de compter mes abattis pour savoir si tous mes os étaient encore présents. »
« Tu t’es rendue compte qu’il y avait de la casse ? »
« Oh oui, d’abord mes lunettes de soleil, mes valises. Et figure-toi que je n’avais pas lâché le sac avec l’appareil et il est intact. Trop fort non ? »
« Je ne te parlais pas de tes bagages mais de toi. »
« Ma jambe me semblait bien bizarre et mon bras aussi et je n’osais plus remuer. Les secours sont arrivés très rapidement. Comme j’étais par terre, je ne voyais que les pieds du monsieur qui sifflait et criait qu’il fallait dégager pour lui laisser la place. Et d’autres pieds plus petits de dames empressées qui essayaient de me rassurer et me donnaient l’ordre de ne pas gigoter. C’était pas malin, vu que je ne pouvais même pas bouger le petit doigt !... et je suis tombée dans les pommes. »
Pénélope transformée en statue ? Pour moi ce n’est pas possible. Même évanouie elle doit se trémousser. D’ailleurs, ce n’est pas son plâtre qui l’en empêche… Mais j’essaie de rester très sérieuse…
« Je me suis réveillée dans une chambre d’hôpital… »
« Tu n’as rien vu de ton transport dans l’aéroport et dans l’ambulance ? »
« Non. A côté de moi, il y avait mes parents. Ils n’en menaient pas large. Moi çà m’a fait marrer, vu leurs têtes, on aurait dit qu’ils venaient pour une rubrique nécrologique !»
Je pense qu’aucun d’eux ne l’avait encore vu endormie calmement…
« Ton voyage s’est terminé brutalement, à peine commencé. »
« Penses-tu ! Pas question pour moi de me laisser abattre comme çà. Le lendemain, j’ai convoqué ma copine, et sa famille. Je leur ai expliqué mon plan de bataille. Deux jours plus tard, Philomène partait en voyage en Normandie chez ma grand-mère, avec sa petite sœur. Et elles m’ont téléphoné régulièrement pour tout me raconter de la région, et de leurs visites…C’était trop chouette ! »
« Mais toi, tu étais dans ta chambre pendant ce temps. »
«Pas eu le loisir de m’ennuyer. J’ai écrit leurs aventures. Bon, tu me connais, en enjolivant beaucoup, en brodant pas mal, en exagérant leurs descriptions, et le tout avec leurs photos… Je me sentais l’âme d’un écrivain, tu sais, un peu avec le style de la Comtesse de Saumur. D’ailleurs, je lui avais emprunté le titre, Les Vacances. »

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Oui oui, je vois bien, celle qui écrivait pour ses petites filles sages, mais Pénélope a certainement lu la version revue et corrigée…Quelle imagination, j’en reste bouche bée…
« Tu as toujours des idées… »

« Heureusement que je suis plus active que toi. Regarde, tu n’as pas encore fini de préparer le potage… Dépêche-toi un peu »
« Cette fois, je trouve que tu exagères un peu ! ... »
« Ben, ne te vexe pas… C’est vrai que ça me contrarie de ne pas être à ma vitesse normale. »
Elle me fait un sourire désarmant… tout en me déclarant :
« T’es quand même un peu soupe au lait, c’est peut-être l’âge, hein »
Et dans un grand éclat de rire, elle continue son histoire.
« Tu crois pas que j’allais rester à attendre le retour des voyageuses. Hop hop hop, super Pénélope! J’ai décroché mon téléphone pour trouver un éditeur. »

Le voyage de Pénélope (suite)

Il me semble entendre la conversation, ses arguments pour placer son récit…
« On ne t’a pas raccroché au nez ? »

« Pas du tout ! Bon, d’accord, aucun n’a voulu se lancer pour un bouquin. Mais on a eu un coup de fil extraordinaire : Loïc Piment de Côtes d’Or, le grand  journaliste, lui-même. Il nous a même félicitées. Lors de la lecture de notre livre, il a trouvé les photos agréables et le texte excentrique, déroutant mais rempli de fantaisie et de vitamines… Bon, je n’ai pas compris tout ce que cela supposait… Et il avait téléphoné à mon prof pour demander que notre narration soit prise en compte par le collectif professoral … »
Pénélope prend le temps de claudiquer jusqu’à la cuisine pour vérifier que le gratin et la soupe cuisent. Elle renifle l’odeur des légumes et semble satisfaite.
« Tu es bonne cuisinière, je vais me régaler ce soir. Philomène ne va pas en revenir de mes talents. J’ai vraiment bien fait de t’inviter. Tu sais, tu peux revenir quand tu veux, c’est pas loin de chez toi et ça te change les idées… »
Oui, heureusement qu’elle m’a aidé à mettre du sel et du poivre !
« Et le résultat de l’intervention de Loïc ? »
« Je suis trop contente : notre prose va paraître par petits chapitres, dans le blog de l’école !
»
Encore un petit gâteau, le dernier cette fois car la boîte est vide.
« Le directeur a voulu changer le titre. Ils en ont pour plusieurs mois à lire « Le voyage extraordinaire de Miss Cata ». »
Pénélope explose d’un rire contagieux qui finit par me gagner. Quelle vitalité et quel optimisme !

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M
Elle est marrante et époustouflante cette Pénélope ! Et puis elle confond la Comtesse de Ségur avec celle de Saumur...:-) à bientôt pour les prochaines aventures...
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E
Et as tu reconnu le journaliste ?
M
Si Pénélope n'existait pas, il faudrait l'inventer, elle me fait tellement rire ! Merci pour cette super histoire, j'ai vraiment passé un bon moment à te lire... Bravo à toi :)
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E
Alors si Pénélope te fait rire, tant mieux. Elle nous amène de la belle énergie et réussit toujours à retourner la situation pour en tirer le meilleur !