Pénélope à la montagne
Cela faisait des mois que j’étais sans nouvelle de Pénélope et sans crier gare, la voilà qui arrive en trombe, sonne à ma porte et entre en coup de vent, un immense sourire aux lèvres.
« Coucou, me voilou ! Tu devais être impatiente de me revoir ! Eh bien j’ai enfin pensé à toi dans mon planning et je suis venue te rendre une petite visite… »
« Effectivement, je m’inquiétais. Tu as pu reprendre tes études et tes activités maintenant ? »
« Oh oui, mon accident*, c’est loin. Et je suis en pleine forme. C’est quoi le thème de ton article cette semaine ? »
« La beauté de l’hiver, la neige, le blanc ! »
« Super, je suis prête, je prends ma doudoune et je pars en montagne pour escalader les sommets. Un sac à dos, des bonnes chaussures, et ça va le faire. On va où ? Tu as déjà une station en vue ? Alpes ou Pyrénées ? C’est trop top, hop, hop, hop ! »
« Je n’ai pas du tout l’intention de partir. La neige, on peut la rencontrer en plaine aussi. Et j’ai reçu de très belles photos des amis de PPP.»
« Ah non, pas question. D’ailleurs, j’ai prévu d’aller skier en fin de semaine. Je vais te ramener des clichés extraordinaires. Ton article sera vite bouclé. Et au fait ça veut dire quoi ces lettres ? Les Petites Photos de Pénélope ? Hihihi ! Trop forte, hop, hop, hop ! Allez, rigole, c’était une blague. »
Elle tourne les talons sans me laisser le loisir de répondre, ni même de lui expliquer ce que j’ai prévu pour mon blog.
« Salut, et pense à me faire mes petits gâteaux pour mon retour. Je serai là dans une semaine ! »
Je finis par me demander si je n’ai pas rêvé. Mais j’entends sa voiture qui crisse sur les graviers… Bon, malgré tout je me mets à trier le courrier pour dénicher vos beaux souvenirs de vacances, j’écris quelques lignes.
Sans trop y croire, le lundi suivant, je cuis une fournée de sablés au chocolat, on ne sait jamais. Quelques minutes après, j’ouvre le four avec précaution. Ouf ils sont magnifiques ! Je retire la plaque brulante et manque de la lâcher sous l’effet de la surprise. Pénélope est là, devant moi, complètement hilare !
« Ah tu as eu peur hein ? Je suis revenue comme promis. Miam, ils sont trop beaux tes biscuits. Oh zut, ils sont chauds, je me crame…»
« Tu peux attendre un peu ! Alors tu es allée skier ? Et tu as ramené un reportage ? »
« Euh oui, mais non, enfin si… »
J’aime vraiment la précision de sa réponse. Que s’est-il passé encore ? Je l’invite à s’asseoir tranquillement et à me raconter.
« Tout a super bien commencé. J’étais dans la station en tout début d’après-midi et il y avait un beau soleil. Beaucoup de monde, j’avais oublié que c’était en plein pendant les vacances ! Et je me suis bien amusée. Tu m’aurais vue dévaler la piste, une vraie championne… »
Sans reprendre son souffle, elle continue :
« Et au bout de deux descentes, c’est là que c’est arrivé. »
« ??? »
« J’ai repris le télésiège. Tu sais, le machin où tu t’assois et qui te tire avec un câble ? »
« Merci, oui je sais ce que c’est. »
« Et en plein milieu de l’ascension, il est tombé en panne. Au début j’ai trouvé ça chouette. C’était romantique de voir l’horizon tout blanc. En plus, j’étais à côté d’un beau garçon. Enfin j’ai supposé, qu’il était bien. Entre son bonnet, ses lunettes et son écharpe, je voyais juste son nez… Sauf qu’il faisait froid là-haut, et avec le vent le siège se balançait. Au bout d’un moment, j’ai essayé de me dégourdir les pieds gelés. Et vlan, la cata ! »
« Tu n’es quand même pas tombée d’aussi haut ? »
« Meuh non, c’est pas malin comme réflexion. Mais j’ai décroché un de mes skis et il a eu la mauvaise idée de filer dans la pente et de se planter au milieu des sapins. »
Pénélope fait une pause dans ses explications et semble songeuse. Puis se lève d’un bond.
« Eh ! Le thé ! Tu ne m’as pas servie, j’ai soif moi. Et tes gâteaux ? C’est l’heure… »
En un tour de main, elle a fouillé dans le placard, sorti 2 tasses, amené la théière fumante, versé les gâteaux dans une assiette et posé le tout sur la table devant elle.
« Heureusement que je m’occupe de tout, toi tu restes vautrée sur le canapé. Bon, c’est vrai qu’à ton âge, on n’est pas rapide. » Et elle a un sourire désarmant…
Après une gorgée chaude, puis plusieurs biscuits, elle se recale le dos dans les coussins et daigne enfin poursuivre son récit.
« Le télésiège est alors reparti en cahotant jusqu’en haut. Autant te dire que sauter lorsqu’on n’a plus qu’un ski, c’était improbable et j’ai atterri dans les bras du technicien ! Mon voisin lui, est parti en me marmonnant quelque chose et en faisant un grand signe, mais j’ai rien compris. Une jeune femme, super sympa est venue vers moi. Elle avait vu toute la scène et m’a proposé de m’accompagner à pied jusqu’en bas. On a bien rigolé au début parce qu’on s’enfonçait jusqu’aux genoux. Mais on a vite fatigué, les skis étaient lourds et encombrants. On a bien failli finir transformées en bonhommes de neige…»
Je m’imagine bien la scène, elle n’a même pas dû cesser de parler. Je compatis un peu en pensant à sa compagne d’infortune.
« Cela devait être bien long cette marche forcée… »
« Et un miracle est survenu ! Un cri et une phrase bizarre. Ma copine a fait de grands gestes et m’a montré le télésiège au-dessus de nos têtes. Le gars qui était avec moi en montant passait en nous montrant mon ski. Ouais, il était allé le récupérer. Zou, il est redescendu tout schuss et m’a en plus aidé à me rechausser et à repartir. Je m’en suis vue dans la poudreuse, mais il m’a guidée. En fait, c’était un moniteur. »
« Et la dame ? »
« Elle était à l’aise aussi, elle se marrait de me voir galérer. J’ai réussi à glisser jusqu’en bas. Et tous les deux m’ont emmenée dans un petit chalet en contrebas pour qu’on partage un pot. Sur la chaise longue, c’était trop bien. J’adoooore ! »
« J’avais rien compris, mais ma copine, c’était la copine du mono ! Du coup, ils m’ont invitée chez eux le soir pour manger une raclette. Alors pour le dessert, j’ai proposé de leur concocter mon super gâteau du député**. Ils ne voulaient pas, mais j’ai insisté et je me suis installée dans leur cuisine. Il ne m’a fallu longtemps. Ma copine est venue m’aider, elle a tout rangé les plats, les ustensiles. Ça met du bazar de cuisiner… »
Je vois… Rien que sur ma table elle a renversé des miettes et du thé partout…
« On s’est régalés. Dommage, il était un peu cuit, on a gratté ce qui avait brulé. »
« Et tu as ramené des photos pour mon blog ? »
« T’es drôle toi ! Avec tout çà si tu crois que j’ai eu le temps de dégainer mon appareil ! J’ai risqué ma vie sur les pentes moi, et tu me demandes des photos ! Tu trouveras bien des trucs à raconter. Moi, je file, j’ai un reportage à couvrir pour mon examen trimestriel.»
Je risque une question
« C’est sur quel sujet ? »
« Aucune idée, j’ai pas ouvert mon agenda depuis plusieurs jours et je ne me souviens plus du tout. Attends, je regarde. »
Elle fait des gros yeux et rit aux larmes.
« Un week-end d’aventures à la montagne. Je sens que je vais avoir de quoi raconter, hein ! Hop, hop, hop, super Pénélope ! »
* Voir les articles des 9 et 16 octobre 2021: « Le voyage de Pénélope »
http://www.pensees-polychromes.com/2021/10/le-voyage-de-penelope.html
http://www.pensees-polychromes.com/2021/10/le-voyage-de-penelope-suite.html
** Voir l’article du 20 mars 2021 : « Pénélope chez le député »
http://www.pensees-polychromes.com/2021/03/penelope-chez-le-depute.html