Douce nuit
La semaine a été harassante. Et les soirées !!! Repas d’affaires, réunions qui n’en finissent plus. Une bonne nuit réparatrice me fera le plus grand bien. C’est décidé, je me couche tôt ! Et rien de mieux qu’une tisane et un bon livre pour me dorloter.
Je fais un détour par la bibliothèque. Voyons, que pourrais-je trouver de pertinent pour faciliter mon endormissement ? Pas de polar, je vais trembler de peur. Ni de roman, je le lirais jusqu’au bout pour savoir si la jeune fille pauvre va enfin pouvoir épouser le prince riche foudroyé d’amour au premier regard.
Ah, voilà le livre idéal. « 70 conseils pour trouver facilement le sommeil » du célèbre coach Jay Gross-Insomnix . C’est vraiment épatant, juste ce qu’il me faut !
Bien calée sur l’oreiller, j’ouvre mon bouquin, je commence à lire le premier paragraphe de l’introduction. Puis, je relis une deuxième fois les phrases, et une troisième fois car j’ai tendance à être distraite et l’auteur me raconte sa vie en long (très long même, je vais finir par connaître la couleur de son pyjama), en large et en travers. Je saute les 400 premières pages pour aller directement aux exercices pratiques.
Allez, je me concentre :
« Choisissez un endroit calme, sans bruit. L’idéal est une pièce insonorisée. » Il est sympa Jay, moi je n’ai que ma chambre, je ne peux pas demander aux oiseaux de se taire alors qu’ils chantent à tue-tête dans le jardin et barrer la route aux voitures pour qu’elles cessent leur passage. Si en plus il faut déménager au milieu des bois.
« Débranchez tous vos appareils électriques, éteignez votre téléphone et posez-le loin de vous, dans une autre pièce. » Dois-je aussi arrêter le radiateur ? Le frigo ?
« Vous pouvez mettre une musique douce en bruit de fond ». Zut, il vient d’écrire de tout fermer donc j’ai éteint mon portable et je ne veux pas me lever pour le récupérer.
« Détendez-vous, allongez vos jambes, surélevez vos pieds pour la circulation sanguine. » Je me relève, et je glisse un coussin sous les draps. Ce n’est pas une position agréable, je prends mal en bas du dos, un de mes pieds glisse. Quelle gymnastique !
« Fermez les yeux. » D’accord, mais comment je fais pour lire la suite de l’article moi !
« Respirez lentement, profondément, ne pensez plus à rien. Comptez vos inspirations et vos expirations.» Eh bien si je pense à respirer lentement ce qui n’est pas très naturel, je m’embrouille dans mes calculs… Je reprends, inspiration, expiration, inspiration, expiration, expiration euh non, inspiration…
« Votre rythme cardiaque se ralentit, vous êtes dans un état méditatif qui vous incite à vous endormir. » Il en a de bonnes ! Ce n’est pas si évident quand on vient de s’agiter, de s’installer, de souffler en rythme et de tenter vainement de compter jusqu’à 2 !
Bon, je pose le livre malgré les 64 conseils qui restent à étudier ! Trop compliqué ! Je m’allonge sous la couette, cela doit être bon avec les 6 premiers, je suis prête pour une longue nuit.
Je donne un coup de pied dans le coussin qui me gêne et je récapitule : fermer les yeux, écouter de la musique, inspirer, expirer, me détendre, ne penser à rien ! Fermer le nez, écouter ma respiration, inspirer par les yeux, souffler dans mes pensées ! Fermer la musique, expirer dans le cerveau, détendre mon nez !
Enfin, le marchand de sable daigne passer et je m’endors pour une longue nuit. Oui elle va être très longue en fait… Je navigue et chavire enfin dans les bras de Morphée et des Bisounours, au pays des rêves bleus.
J’ouvre un œil. Serait-ce déjà le matin ? Nuit noire, pas une étoile. Je ne comprends pas pourquoi il fait encore si sombre. La journée commence mal.
Deux heures, il est seulement 2 heures ? Le soleil n’est pas prêt de pointer son bout du nez. Je me retourne, à droite, à gauche… Impossible de me laisser aller…
Assise, je tente de réfléchir calmement. Enfin, une bonne idée se présente dans mon cerveau embrumé. Mais, c’est bien sûr ! Il me faut compter les moutons, c’est préconisé dans tous les cas d’insomnie.
De suite, une question se pose. Sont-ils sagement en train de brouter dans un pré ? A moins qu’ils ne décident de sauter gaiement la barrière ? Et au fait, sont-ils vraiment blancs et frisés ou noirs et blancs, ou blancs et noirs? Je les compte un par un ou en groupe ?
Grr, j’en suis déjà à un troupeau de 1259 brebis et cela commence à m’épuiser.
Je me demande si tout va bien dans mon esprit ? Le réveil a l’air de rigoler, il gambade et saute comme un mouton, et eux, ils se sont endormis profondément dans ma chambre …
Cette histoire nocturne devient complétement abracadabrante et je ne fais plus la différence entre rêve et réalité… Les bêtes ont cessé de bêler, ce n’est peut-être pas mieux maintenant puisqu’elles ronflent en stéréo.
C’est assez bizarre, j’ai l’impression étrange de planer, je me sens d’une légèreté incroyable. Un virage gracieux, je cueille un brin de lune. Dommage pour l’atterrissage imprévu et mal contrôlé dans un champ de coquelicots…
Si ça continue le lapin blanc d’Alice va apparaître dans la prairie pour me crier de me dépêcher. Pourquoi courir, courir, courir, courrrriiiirrr ?????
Quel est ce bruit bizarre et assourdissant ? Me voilà secouée par une vibration désagréable. Je n’y comprends rien, où suis-je ?
Enfin, je vois mon réveil se trémousser sur la table de nuit ? Aurais-je sombré ? Ah non, comment çà ? C’est l’heure de se lever, mais je dors moi !!!!
Vite, me lever, me préparer un café, partir au boulot… Je tombe du lit, m’emmêle les pieds dans la carpette, et arrive exténuée dans la cuisine.
J’allume la radio : « Nous vous souhaitons un excellent dimanche, malgré la pluie et le vent. Prenez votre temps pour faire la grasse matinée… »
Dimanche, on est dimanche ? Dimanche ?