Les Pâques de Pénélope

Publié le par Eve

Les Pâques de Pénélope

Ce matin au retour du marché, mon téléphone m’indique que j’ai reçu un message. En le consultant, je reconnais immédiatement la petite voix flûtée et enjouée de Pénélope.
« Coucou, c’est moi ! Tu es encore en vadrouille ? Pour Pâques, j’organise une petite fête  avec mes amis. Le lundi, car je suppose que le dimanche tu es en famille. Ce sera dans le jardin chez ma mère, on aura plus de place. Alors, je t’attends à midi. Bisous. »

Çà au moins, c’est bref et concis. Et je suppose que c’est une convocation. En même temps, je suis flattée qu’elle me compte parmi ses amis.
Impossible de la joindre pour lui poser des questions, est-elle partie en reportage ?
A l’heure dite, je me gare devant chez elle. Plusieurs voitures sont déjà là, je ne suis pas la première. Pénélope surgit de derrière la haie. Pas le temps de couper le moteur, elle a déjà ouvert ma portière.
« Un peu plus et tu étais en retard. »
Et elle éclate de rire. Je m’extirpe de mon siège et soulève délicatement le paquet posé à côté de moi, mais il disparait d’un coup.
« Ohhhh, mais qu’as-tu apporté ? Dis-moi, ce sont tes fameux petits sablés ? Troooop chouette ! Miam, on va se régaler ! »
Elle plonge la main, et en croque un d’emblée…

Les Pâques de Pénélope

Bon, tous les invités sont au courant de mon arrivée… Heureusement, nous ne sommes pas trop nombreux, à peine une vingtaine. Tant mieux, je crains un peu la foule.
Pénélope nous appelle à grand renfort de gestes amples, style démonstrations du steward avant le décollage.

« Venez tous, apéro ! Vous allez voir, je vous l’ai servi dans le jardin. »
Nous voici, assis dans des fauteuils bien agréables. Et un verre à la main, nous essayons de faire connaissance avec nos voisins. Mais nous sommes de suite interrompus par notre hôtesse.
« Il faut que je vous raconte. La semaine dernière, je voulais  décrocher un grand reportage pour le journal du dimanche! Et mon idée était formidable. »
Elle étend les bras généreusement et brutalement, au risque d’éborgner un convive qui esquive l’uppercut ! Imperturbable, elle continue sur sa lancée.
« Donc, je suis allée à la Ferme des biquettes, tout en haut dans la montagne. Bien sûr, pour écrire une histoire sur l’agneau de Pâques. C’est aussi pour cette raison que je vous ai invités car je comptais bien ramener un gros gigot pour ce midi… »

Une pause oratoire, et une invitée se risque à prendre la parole.
« Comme c’est gentil, j’adore ça et… »
Mais elle ne peut terminer sa phrase car Pénélope s’esclaffe :

« Voyons Tata, c’est foutu. Tu as vu comme ils sont mignons les agneaux quand ils gambadent dans les prés ? J’ai pas pu me résigner à en manger un ! »

Les Pâques de Pénélope

Tata est un peu déçue, mais bien polie, elle ne le montre pas.
« J’en aurais bien pris un pour mettre dans la pelouse mais ma mère a été intraitable, pourtant c’était une tondeuse incroyable, écologique et efficace ! »

Je la comprends un peu sa maman, surtout si elle tient à ses jolies bordures fleuries.
« Et ton reportage ?  Tu es rentrée sans rien alors ? C’est étrange.» demande le monsieur à côté de moi.
«Mais non, Ernest, bien sûr que non, vous me connaissez assez. »
Elle le gratifie d’une amicale mais très vigoureuse accolade qui le secoue des pieds à la tête.
«  A la Ferme, il y a beaucoup d’animaux, des poules, des cochonnets,  un âne. J’ai été inspirée par l’atmosphère. J’ai donc écrit l'histoire de Lulu et ses copines… » 
L’assistance ne dit mot et attend patiemment la suite. Mais Pénélope virevolte, attrape les petits toasts, en mange la plupart au passage, et sert les quelques rescapés de son appétit à ses convives… C’est à ce moment-là que des gouttes commencent à s’écraser sur nous.
«  Pas de panique, cela ne va pas durer plus d'une heure, j'ai consulté la météo, … »

Mais la pluie redouble et nous nous levons d’un coup  en emportant verres, et coupelles de chips dans un beau désordre.
« Pas de souci, j’avais prévu que nous pourrions manger à l’intérieur et j’ai préparé une belle table bucolique avec des bouquets de fleurs. Vous allez être épatés. C’est que je reçois du beau monde, je me suis surpassée. Hop,hop,hop, super Pénélope.»

Les Pâques de Pénélope

Elle nous précède, ouvre la porte et pousse un grand cri strident qui nous stoppe net dans notre élan.
« Luluuuuuuu ! Qu’as-tu fait ? »

Sur la table, une petite lapine trône dignement au milieu des assiettes et du décor printanier. Elle a tout renversé, et se délecte de la verdure tout en gratifiant la nappe de petites oboles rondes ….

Les Pâques de Pénélope

Devant l’air déconfit de sa nièce, Tata ne peut s’empêcher de sourire, puis de rire franchement, entrainant Pénélope ainsi que tous les invités dans un fou rire incompressible.
« Oh non, tu as ramené une bestiole. C’est tout à fait toi ce genre d’aventure… Tu ne changeras jamais…. Tant mieux. » lui dit-elle tendrement.

Enfin calmée, la jeune femme nous invite à entrer et nous essayons de redonner une allure correcte aux couverts.
« Je n’ai pas pu résister… Les petits lapins étaient absolument adorables, alors j’ai acheté Lulu… »
« Et votre article a pu paraître dans le journal ? »
« Mon pauvre Eugène, même pas, le directeur éditorial n’en a pas voulu. Pourtant je m’étais appliquée, avec force détails, péripéties, et même photos. »

Elle fait une moue significative.

Les Pâques de Pénélope

« Bon, installez-vous, je vais vous apporter la jardinière de légumes que j’avais prévu pour accompagner le gigot…. Oh zut, ça brûle à la cuisine ! »
Effectivement, cela sent le roussi. Pénélope revient avec une casserole fumante mais rien n’entame sa bonne humeur.

« Tant pis, vous mangerez le dessus, ne grattez pas le plat. »
La salade ne craint pas d’être trop cuite, nous aurons quelque chose dans l’assiette, avec un bon morceau de fromage apporté par Ernest.
« Je coule du café pour tout le monde, ma mère n’a plus de thé de toute façon. »
Avec la cafetière, elle sert mes sablés qui ont du succès. Puis elle apporte un plat qu’elle pose devant un monsieur.
« Charles-Maximilien, je vous laisse découper votre gâteau et faites nous des petites parts pour qu’il y en ait pour tout le monde. »
Je n’avais pas reconnu le député, en jean et marinière.
« Ma chère, je suppose que c’est un ordre, je vais donc vous obéir », et il se lève en posant Lulu qui avait élu domicile sur ses genoux.
Pénélope ne l’écoute pas, elle dialogue d’une façon animée et bien sonore avec son voisin. Et d’un coup, lève les bras au ciel triomphalement avant de s’exclamer, coupant court à toutes les conversations.

« Ohhhhhh c’est trop bien, Eugène va  faire paraître mon récit. »
Eugène, Eugène son nom me dit quelque chose… Monsieur Delacampagne, le directeur de la Gazette du Village !
« Oui, je lui réserve toute une page dans la catégorie « Les potins de Cunégonde ». Les mémés adorent lire ces histoires campagnardes.»
« Génial ! Hop hop hop super Pénélope ! »

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M
Elle me fait tellement rire cette Pénélope :) Et Lulu est trop craquante ! Merci pour cette bonne dose de rires, doux dimanche à toi
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F
Bon week end de Pâques Eve et à très bientôt, bisous
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