Pénélope fait du sport
Enfin de retour après des mois en voyage d’études, Pénélope se repose un peu chez elle car elle se sent vraiment épuisée. Elle en profite pour me téléphoner et me donner de ses nouvelles. C’est ainsi que tôt le matin, très, très tôt d’ailleurs, j’entends sa petite voix.
« Coucou, j’espère que je ne te réveille pas ? Tu ne dois plus être au lit déjà, la météo a prévu un grand soleil. »
Je tente de lui expliquer qu’il fait nuit et que j’étais encore douillettement au chaud sous la couette, mais elle n’en fait pas cas, et elle continue :
« Je vais venir te rendre une petite visite en début d’après-midi, comme çà je t’expliquerai tout. »
« Tu ne voulais pas rester quelques jours tranquillement ? Et tu ne fais pas la sieste ? »
« Oh la la mais cela fait déjà deux jours que j’ai posé mes valises, je commence sérieusement à m’ennuyer. Alors il faut que je bouge. Et j’avais envie de te voir ! »
Je suis presque flattée, mais l’orgueil a vite fait de tourner court :
« Et surtout de manger tes petits sablés ! Tu vas me les préparer, hein ! »
Comment refuser ? Il ne me reste plus qu’à prendre rapidement mon petit-déjeuner, faire une croix sur les dossiers et les articles prévus aujourd’hui et sortir mon matériel de pâtisserie.
A-t-elle eu la possibilité de prendre son repas ? J’entends les crissements de ses pneus alors que je savoure ma salade. La porte s’ouvre et elle s’engouffre dans ma cuisine.
« Mais tu n’as pas encore fini de manger ? »
« Bonjour Pénélope, tu sais qu’il est tout juste midi dix ? »
« Ah mince, je ne regarde jamais ma montre, et j’étais prête. Mais ne te dérange pas pour moi, pendant que tu dégustes ton fromage, je vais faire le café. Je sais bien où tu ranges tes affaires, ici je suis comme chez moi. »
Je m’en étais aperçue…. Bon, le gratin va rester au four et je le mangerai ce soir. Car le plateau avec nos tasses est installé au salon, et elle a trouvé le plat avec les biscuits… D’ailleurs il a l’air moins plein déjà.
« Miam, j’en rêvais, trop bons tes gâteaux ! Je n’ai pas pu m’empêcher d’en goûter un ! »
« Un seul, tu es sûre ? »
« Euh, quand on aime, on ne compte pas ! »
Nous voici bien installées dans le canapé.
« Figure-toi que j’ai été engagée pendant plusieurs mois pour mes études dans un journal à Paris. On m’a demandé de rédiger des articles sur les français et la pratique du sport. »
« Mais c’est génial. »
« Si tu veux, c’est ce que je croyais au début. Surtout que le journal s’appelle Nouveau Monde. Je pensais qu’il s’agissait de raconter les grands événements et j’avais plein d’idées de reportages. »
« Ce n’était pas le cas ? »
« En fait, il fallait que je fasse le tour de toutes les salles pour faire un bilan des fréquentations, et la proportion de travailleurs, de retraités et d’enfants !... J’ai passé mes semaines à poser des questions et à remplir des grilles… Pas très passionnant. »
Je comprends sa déception, qu’elle comble avec deux cafés et une poignée de sablés.
« Malgré tout, j’ai rencontré des gens sympas avec lesquels j’ai pu discuter de leur plaisir même si cela ne faisait pas partie de mon poste. »
« Et maintenant, quels sont tes projets ? »
Elle réfléchit longuement, penche la tête d’un air entendu et me murmure :
« J’ai décidé de me prendre en main. C’est vital après cet enfermement. Et ils m’ont donné envie de me mettre au sport, sérieusement ! J’étudie cela de près. Le plus difficile est de choisir lequel !»
Je suis un peu dubitative. Mais il ne faut pas la décourager.
« Ohhhhh, il faut que je file. J’ai un rendez-vous avec un coach. Il va étudier toutes mes capacités et mes envies. »
« Un coach ? Tu ne te refuses rien ! »
« Eh, à force de fréquenter le club, j’ai obtenu quelques séances pour débuter gratuitement. Cà t’en bouche un coin… Trop forte, hop, hop, hop, super Pénélope ! »
Elle attrape son sac, son manteau et disparait. La porte claque, elle dévale les escaliers…. Et réapparait pour me crier :
« Je te tiens au courant de mes exploits ! »
Une quinzaine de jours se sont écoulés. Je me demande quelle activité a pu lui convenir. Mais la réponse arrive rapidement, avec elle, un soir pendant mon diner.
« Salut, me revoilou. Je ne te dérange pas au moins ? Oh, elle a l’air succulente ta quiche, et il y en a bien pour nous deux. »
Elle prend une assiette et se sert une part qu’elle déguste avec satisfaction.
« Alors, tu fais quel sport en fin de compte ? »
La bouche pleine, elle commence à m’expliquer son parcours …du combattant !
« Quand le coach m’a fait essayer quelques exercices, il a fait une moue… Et m’a proposé de démarrer en douceur. Pourtant, j’aurai aimé pratiquer les barres parallèles, les agrès, la poutre. C’est tellement élégant ! Mais il trouvait que j’avais dépassé l’âge… Un peu goujat, non ? »
« Me muscler les bras était une excellent idée d’après lui, avec une prof au top. »
« Il a raison. Et alors, tu as été à un cours de musculation. »
« Ah oui, j’ai été invitée pour me rendre compte. Et quand j’ai vu les participants ! J’étais furieuse. Mais j’ai fait bonne figure.»
« C’était bien ? »
« Pas mal. Sauf que les haltères sont lourdes. A la fin, je ne parvenais plus à les soulever. Et forcément, j’en ai lâché une. »
« Aie ! Tu t’es fait mal ? »
« Non, elle est tombée sur le pied du prof. Du coup, le cours s’est arrêté. »
« Euh ? »
« Ben oui, elle a un plâtre, alors c’est moins pratique. Du coup, mon coach m’a inscrite au yoga pour que cela soit moins dangereux.»
Je le comprends un peu ! Malgré tout, j’ai un peu des doutes sur le fait qu’elle puisse rester au calme pendant une heure.
« Non mais, tu te rends compte ? Il faut maintenir les positions pendant plusieurs minutes. Tu parles, moi je m’écroulais au bout de dix secondes et j’ai été prise d’un fou rire. »
Je m’imagine bien la scène !
« En plus, le groupe ne papote pas pendant les exercices. Heureusement qu’il y avait une petite musique. Trop douce à mon goût, ça manquait un peu de rythme. Je l’ai dit à l’animatrice à la fin du cours. Elle m’a conseillé de tenter plutôt la zumba ou l’aérobic. »
Il valait mieux pour la cohésion du groupe et la sérénité de la relaxation !
« Oui, c’est vrai que cela remue plus. Tu devais être à ton affaire ! »
« C’était chouette, en plus cette fois, que des jeunes de mon âge. Au début, j’ai bien suivi les mouvements, j’étais vraiment fière de moi. Là, pas de prof, on suivait des yeux sur un grand écran.»
Une longue pause… Elle se sert une deuxième part de quiche, la savoure un instant. Elle s’agite, et reprend avec véhémence :
« Oh la la, en fait, c’était juste l’échauffement . Le vrai cours n’avait pas commencé. Après, ils se sont tous mis debout sur deux rangs, et vlan la musique a changé, une deux, une deux, trois. Je n’ai rien compris, j’essayais de suivre la chorégraphie mais elle était bien trop rapide. J’ai eu un temps de retard puis cela s’est encore accéléré. Alors j’étais toujours à l’inverse d’eux et je recevais des coups de partout vu que je ne me tournais jamais dans le bon sens. J’ai fini par abandonner. »
Sa carrière de danseuse étoile est bien compromise… Cela ne m’étonne pas vraiment.
« Dans les vestiaires, une des filles a été très gentille avec moi. Comme elle fait de la course à pied avec des amis, elle m’a donné le lieu et l’heure de leur prochain entrainement pour que je les rejoigne. »
« Ils font des tours de stade ? »
« Pas du tout, ils préfèrent parcourir les rues, les squares, avant de boire un coup sur un banc dans un parc. Super, leur programme. »
« Mais tu n’avais jamais couru ! Tu as pu les suivre ? »
« Tu as deviné… Ils ont démarré, moi aussi ! Mais pas à la même vitesse, alors au premier coin de rue, je les ai aperçus au loin, puis je ne les ai pas retrouvés. »
« Dis, tu n’aurais pas un petit dessert pour finir ce bon repas ? Je n’ai pas pu te prévenir pour que tu me fasses un gâteau. »
« Hier, j’ai fait du pain d’épices pour un atelier et il me reste quelques tranches. »
« Miam ! merci. »
Et elle engloutit la première avec conviction.
« Mais tu sais, je ne me suis pas dégonflée. J’ai pris le métro, et je suis arrivée avant eux sur le banc. Hop, hop, hop, Super Pénélope ! Et beurk, ils boivent de la tisane .» Et elle explose de rire.
«Tu n’as pas eu de chance pour tes expériences. »
« Je crois surtout que cela ne me convenait pas. Alors j’ai bien réfléchi, et cette fois,j’ai trouvé un club tout à fait pour moi. »
Elle se lève joyeusement, se fait une tasse de café, qu’elle accompagne d’un morceau de pain d’épice.
« Figure toi, qu’en attendant le groupe, j’ai rencontré une dame formidable à qui j’ai raconté mes mésaventures. Elle m’a trouvé agréable, et le lendemain, j’ai été avec elle pour faire connaissance de ses amis et les aider à préparer la prochaine sortie. »
« ??? Une sortie ? »
Je me demande bien de quel sport il s’agit... Et j’ai raison de m’inquiéter…
« Oui, dimanche. C’est pour cela que je suis là. Car je leur ai parlé de toi et tu vas venir avec nous, je suis trop contente. Tu auras le temps de cuire quelques sablés et cuisiner un petit pique-nique, je compte sur toi. »
Je sens comme un poids sur l’estomac…
« Ne te fais pas de souci, on va pas escalader l’Himalaya. Seulement une journée dans les monts d’Auvergne. »
Je commence à paniquer
« Tu fais de l’alpinisme ? »
Pénélope s’amuse, se moque de moi avec son sourire en coin…
« Mais non ! On va marcher tranquillement.C’est un collectif de photographes…»
Ouf, je respire