Conte de la forêt

Publié le par Eve

Conte de la forêt

Il était une fois … Une magnifique forêt entourée de prairies, encore préservée et vigoureuse. De grands arbres s’élancent vers les nuages, des clairières ponctuent les chemins embroussaillés, des pierres moussues se dressent çà et là, des touffes recouvrent les pieds tortueux des buissons.  L’odeur de l’humus se mêle aux parfums de l’herbe grasse. Le soleil peine à y glisser ses rayons. Il se dit que des êtres étranges la hantent, certains racontent que c’est un endroit enchanté…
Juste à l’orée des bois, bien adossé à la colline, un village se blottit à l’abri du vent. Sylvain habite dans une jolie ferme avec ses grands-parents. Tous les trois vivent tranquillement, profitant du jardin et des environs dès que le temps le permet. Ils adorent  marcher dans la campagne, cuisiner, jouer. Sa mamie lui a expliqué, que son papa et sa maman l’aimaient beaucoup, mais qu’ils étaient partis au ciel quelques mois après sa naissance. Lorsqu’il était  petit, son papy  le prenait dans ses bras, et ensemble, ils observaient les nuages pour tenter de les apercevoir. Pendant de longues minutes, ils en scrutaient les formes, espérant y déceler un visage…

Conte de la forêt

Souvent,  ils se promènent  tous les deux le soir ou le dimanche avec mamie, ramassent des trésors sur le chemin qu’ils rangent ensuite soigneusement dans une grande boîte. Feuilles rousses et jaunes, pommes de pin, plumes, brindilles…
Mamie l’aide à faire ses devoirs. Il peine à lire et à écrire malgré la gentillesse de Mademoiselle Hortense. Dès qu’il le peut, il préfère aller dehors pour jouer, courir, escalader et surtout regarder les insectes ou les chats du quartier. Et lorsqu’il pleut, il dessine avec application et dextérité des arbres, des animaux et des nuages.

Maintenant qu’il a grandi, il sort tout seul pour explorer le village, et ses alentours. Il connait tous les lieux, les jardins, les ruelles, les prés et le ruisseau. Peu à peu, à chaque sortie, il s’éloigne de la maison  et s’approche de la forêt qui l’attire.
Pendant les vacances, il ne résiste pas à son envie et pénètre dans le sous-bois. Doucement, il se hasarde sur le sentier, et découvre un monde merveilleux, celui des arbres, des mousses et des champignons. Celui des fourmis et des petites bêtes dont il ne sait pas le nom. Celui des oiseaux qu’il entend chanter. Pourra-t-il  croiser une biche ou le lutin roux ?

Conte de la forêt

Il prend l’habitude de venir se reposer au pied d’un chêne majestueux qui étend sa ramure protectrice. Peu à peu l’arbre devient son confident. Il lui raconte ses joies, ses découvertes, et ses chagrins.
Et c’est à cet endroit qu’il fit une rencontre extraordinaire un mercredi d’automne.  En arrivant il entendit de la musique, des notes en cascade, une mélopée envoutante.  Le plus silencieusement possible, il se cacha derrière le bosquet.
Là, dans la clairière, il la vit : une fée chantait, dansait, sa voix douce traversait le silence, ses pas légers effleuraient le sol. Sa grande robe virevoltait dans les rayons du soleil. Il en fut bouleversé…

Conte de la forêt

Chaque semaine, il se dépêchait de finir ses devoirs afin d’aller guetter la venue de la belle dame. Il  eut la chance de la revoir plusieurs fois. Elle était vêtue plus simplement, portait une lourde sacoche, passait devant son  chêne et s’installait dans le bosquet. Elle restait longuement sans bouger, assise sur un petit siège pliant… Il ne pouvait pas voir exactement ce qu’elle faisait. Seul son dos était visible …  Quelquefois il grelottait car le froid était mordant en ce début décembre. Mais rien ne dérangeait la fée. Elle portait un gros manteau et un bonnet.
Un dimanche, pendant le repas, sa mamie le questionna, elle avait remarqué à quel point depuis des semaines il était rêveur…  Alors, il eut le courage de tout raconter, ses escapades, son ami l’arbre, les oiseaux, les plantes, et la fée qui pourrait certainement lui parler de ses parents puisqu’elle avait des pouvoirs magiques... Ses  grands-parents l’écoutèrent très attentivement. Sylvain craignait que son récit ne soit pas crédible. Et il risquait  de se faire gronder car il avait désobéi en allant seul dans la forêt. Mais sa mamie le prit dans ses bras et l’embrassa très fort. Il sanglotait, elle le consola, le rassura et lui affirma qu’elle était sûre que les fées existent.
Le lendemain, son papy lisait le journal en rentrant de son travail lorsqu’il appela Sylvain pour lui montrer un article… La veille avait eu lieu la fête du solstice dans un village voisin. Ce fut un choc. Sur la photo, sa fée dansait autour du feu de bois...

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Il n’avait donc pas rêvé !

« Papy, mamie, ma fée est là, regardez, regardez, oh je suis trop content ! » Il ne savait plus s’il devait crier, se taire, rire tellement il était excité. Il ne put déchiffrer ce qui était écrit en petites lettres, mais serrant le journal dans ses mains, il  l’emporta dans sa chambre. Et resta  enfermé un long moment. Ses grands-parents l’entendirent parler à la fée…
Sylvain profita des vacances de Noël pour retourner à son poste d’observation. Sa mamie lui avait acheté des gros gants bien chauds et un bonnet. Chaque jour, en début d’après-midi, il affrontait le froid. Mais la fée n’apparut pas. Il était déçu en revenant lorsqu’il n’en pouvait plus d’attendre. Sa mamie lui préparait des petits gâteaux et une tasse de lait chaud pour le réchauffer. Et elle lui lisait de belles histoires sur les animaux et les plantes. Le petit se blottissait contre elle sur le canapé, enveloppé dans une couverture. Son papy rentrait un peu tard, car il avait des courses à faire après sa journée de travail. Il avait des gros paquets avec des bonnes choses à ranger dans la cuisine… Et une grosse valise de travail qu’il déposait de suite sous son bureau.
La veille de Noël, Sylvain aida les enfants et les habitants à décorer le grand sapin qui était à l’entrée du village. Avec tous, il chanta des chants traditionnels. Ses grands-parents burent le vin chaud, et il eut droit à un chocolat fumant et une pochette remplie de papillotes.
Dans la maison aussi, il accrocha des décorations et les guirlandes. Dans les souliers disposés près de la cheminée, il glissa un de ses dessins, une longue  silhouette dansant sous le ciel étoilé.

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Pour le réveillon, mamie dressa une jolie table. Des amis et des voisins âgés ou seuls vinrent partager la soirée.  Sylvain trouva le temps long, il s’ennuyait, et s’endormit avant le dessert. Mamie le porta doucement dans son lit…
Durant la nuit, la neige recouvrit toute la vallée. Au matin, il se réveilla tôt pour découvrir ses cadeaux dans ses souliers, que c’était beau ! Ses grands-parents l’avaient bien gâté. Ils se sont assis près de lui pendant qu’il ouvrait ses paquets. Des friandises, un jeu pour compléter sa collection. Une grande boîte avec des tubes de peintures, des crayons, du papier.  Il était content. Dans un paquet bien emballé, il y avait une paire de jumelles dans une pochette noire. Son papy lui montra comment s’en servir, c’était trop amusant, il pouvait regarder l’étoile du sapin du village, et au loin la cour de l’école  … oh, même,  il voyait l’œil de mamie en gros plan.

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Dans le dernier papier doré, il trouva un gros livre. Il fut un peu désappointé car il ne lisait pas bien. Mamie lui proposa de le feuilleter  tranquillement avec elle. En ouvrant les pages au hasard, il fut étonné. Il ne put comprendre les textes mais il y avait des dessins, des peintures, des photos d’animaux et de plantes. En regardant attentivement, il vit des endroits qu’il connaissait bien. Sa clairière, son chemin, et même son arbre… Comment était-ce possible ?
Sur la dernière page, l’enfant trouva  un  texte en couleur, rédigé à la main, d’une écriture fine et délicate  que mamie lui lut :
«  Mon petit Sylvain, dans la forêt, tu trouveras des merveilles, elle te fera des cadeaux incroyables. Protège-la, et elle t’accueillera et te consolera toujours. Continue à observer, à écouter, et ton cœur sera rempli de bonheur … » C’était signé : « la fée de la nature »
Intimidé, l’enfant demanda à son grand-père :
« Papy, je voudrais aller remercier la fée si elle est là ».
La neige ne tombait plus. Alors ils chaussèrent leurs skis et partirent tous les deux.

Conte de la forêt

Sylvain emmena son grand-père, il lui montra les faux houx chargés de boules rouges, les rochers qui affleuraient le long du sentier. La neige modifiait le paysage, mais il reconnaissait malgré tout chaque arbuste et il était fier de servir de guide avec autant d’assurance. Enfin le grand chêne apparut, avec ses longues branches qui s’ébrouaient dans la brise, semant des petits paquets blancs… Papy l’admira longuement. A son pied, ils déposèrent respectueusement quelques feuilles sèches, une pomme de pin, deux plumes et des noisettes pour les esprits de la forêt. Puis Ils enlacèrent le tronc rugueux, caressant son écorce. Le gamin inclina la tête et doucement murmura :
« C’est noël aujourd’hui. Mon arbre, montre-moi que papa et maman pensent à moi. »
De grosses larmes roulaient sur ses joues, Papy l’embrassa avec tendresse, essuya son visage ruisselant. Il se sentait  tellement touché et  maladroit envers cet enfant dont la requête naïve faisait jaillir des souvenirs enfouis si douloureux pour lui.

Le ciel devenait sombre, il fallait partir.  Ils se dirigèrent vers la clairière déserte  mais les skis gênaient leur progression, les racines noueuses émergeaient du tapis blanc, la trace du chemin se perdait dans la pénombre. Ils décidèrent  alors de faire un détour. Soudain, une lumière rayonnante illumina un recoin sombre que la neige n’avait pas atteint. Un tronc coupé se détachait dans le rayon de soleil filtrant au milieu des nuages menaçants.

Intrigué, Sylvain s’approcha, suivi de son papy. Au centre du tronc vermoulu poussait une petite fleur d’un blanc immaculé. Malgré l’hiver et la température glaciale, elle se dressait fragile et fière. L’enfant la reconnut tout de suite.  La même, exactement semblable à  celle du bouquet que sa maman tenait dans ses bras sur la photo posée sur sa table de nuit. Il avança la main, la toucha avec son gant. La fleur exhala un parfum suave.
Quelques flocons dansèrent autour d’eux.  Papy enlaça l’enfant, et ils restèrent debout, silencieux, recueillis, heureux, baignant dans ce halo féérique.
La beauté les imprégnait, l’âme de la forêt touchait la profondeur de leur cœur.

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E
Très émouvant ! Merci Eve. c'est très beau et délicat : ça te ressemble.<br /> Bon Noël ! Gros bisous
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Toi aussi passe un bon Noël et profite de la belle nature autour de chez toi ... Peut-être y verras-tu une fée ou un lutin ...