Conte de l'olivier

Publié le par Eve

Conte de l'olivier

L’automne est bien doux cet après-midi et les enfants ont envahi la place du village dès que la cloche de l’école a retenti. Des rires et des cris se croisent en cascade sonore, des fillettes courent,  et jouent à la marelle. Une maman et son enfant viennent s’assoir sur l’herbe.

Conte de l'olivier
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Conte de l'olivier
Conte de l'olivier

Des gamins escaladent les murs interdits, se disputent, et lancent des olives dans une bataille indisciplinée. L’une d’elle vient ricocher sur le tronc de l’olivier, suivie d’une deuxième dans le chapeau d’Aimé, le papet assis sur le banc. Celui-ci se relève malgré son grand âge et menace les chenapans de sa canne vermoulue. Mais sa femme le calme et invite les petits à venir près d’elle. La mamette Odette leur parle souvent  de sa jeunesse enfuie lorsqu’elle allait vendre ses légumes à la ville avec son âne gris.

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 Tout autour d’elle, le calme s’installe.
« Mes petits, si vous saviez, quelle histoire je vais vous raconter ! Elle est absolument extraordinaire, et le plus incroyable c’est qu’elle est arrivée véritablement. »

Un peu plus loin sur un rocher, Hans, le berger venu des hautes  montagnes rejoint le cercle des auditeurs.

Conte de l'olivier

« Il était une fois, dans un temps très lointain, bien plus de mille ans avant maintenant….. Voyez-vous, à cette époque-là, le village n’existait pas, mais notre vieil olivier était déjà là. Et personne ne connaissait son nom, car des oliviers il n’y en avait pas par ici, il était le seul au milieu de la garrigue aride. La vie était trop rude, rien ne poussait, à l’exception de quelques arbustes malingres secoués par le mistral…
En bas, dans la vallée, la vie n’était pas de tout repos. Les hommes se battaient, se faisaient la guerre. Une année de grande misère, au mois de décembre, une jeune femme et son mari ont fui les assaillants. Ils n’ont rien pu emporter de leurs maigres biens. Juste une couverture et un peu de farine dans un pauvre sac, et leur petite chèvre. Dans la nuit, ils ont pris le chemin de la montagne et ils ont marché pendant des semaines sur des chemins escarpés. Enfin, avoir traversé tout le massif montagneux, ils ont pu se sentir plus en sécurité sur les coteaux. La journée avait été éprouvante, ils n’ont pas eu le temps de trouver de quoi se protéger. La nuit tombait déjà, l’obscurité profonde les a enveloppés et ils n’ont pu continuer leur voyage. La petite chèvre tremblotait, et elle put mâchouiller quelques brins d’herbe sèche. L’homme se drapa dans son manteau élimé, la jeune femme posa la main sur son ventre. Elle attendait un enfant et s’inquiétait car la naissance était proche.

Conte de l'olivierConte de l'olivierConte de l'olivier

Voyant notre arbre, ils se sont blottis contre son tronc pour dormir, le ventre affamé, le corps épuisé. Mais la faim les tenaillait, et le sommeil ne venait pas, ils étaient préoccupés par leur avenir tellement précaire. Comment pourraient-ils au moins manger et nourrir l’enfant ? Dans la nuit, ils entendirent chuchoter. Pris de peur, ils regardèrent autour d’eux, mais ne distinguèrent rien.
Un arbre qui parle ? Peuchère, ils crurent vraiment être devenus fous. Pourtant la voix douce et grave leur murmura à nouveau de ne rien craindre. Que lui, l’olivier contre lequel ils étaient assis, leur accorderait toute sa protection et de la nourriture.

Cela ne les rassura pas pour autant, ils jetaient des regards apeurés aux alentours. Mais ils étaient bien seuls. Alors l’arbre leur proposa de prendre quelques-unes des baies noires au bout de ses branches souples et de les manger. Ils se méfiaient, qu’allait-il leur arriver si ces fruits étaient toxiques ? Pourtant la faim fut la plus forte, et ils croquèrent l’olive. Du jus un peu amer leur coula dans la bouche, ce n’était pas très bon. Il leur sembla alors que l’arbre riait de leur grimace et secouait ses branches, à moins que ce ne soit le vent…
Au petit matin, l’homme explora les environs et découvrit un ruisseau en contrebas du coteau sur lequel ils avaient trouvé refuge. Quel plaisir de boire de l’eau fraîche !
Tous les deux restèrent longtemps au pied de leur ami l’olivier. On raconte qu’il a accueilli l’enfant en lui faisant une couche douillette avec ses feuilles. On dit même qu’il leur a conseillé de ramasser quelques olives, de les presser entre les pierres pour que de l’or jaillisse, de le mélanger à la farine avec un peu d’eau du ruisseau tout proche, et de faire cuire cette boule sur un feu de bois. C’est ainsi que serait né notre bon pain… Ils purent se nourrir et retrouver des forces.
Le couple n’a pas été ingrat, il a enlacé l’arbre pour le remercier de son amitié et lui promirent de toujours être aussi bons et généreux que lui… L’homme ramassa  de nombreuses olives, dans le foulard de sa compagne pour les repas à venir.
Ils ont repris leur voyage. A chaque arrêt, ils ont creusé la terre pour planter une olive en remerciant les étoiles qui les avaient accompagnés. Je ne sais pas où ils sont allés, ni ce qu’ils sont devenus. Mais on dit que leur enfant était un petit garçon rempli d’amour et que leur passage a changé le monde, et que depuis notre région s’est couverte d’oliviers. »

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Odette se tait. Le soir est tombé doucement. Les enfants sont silencieux, ils rêvent de cet arbre qui chuchote dans la nuit. Il est temps de rentrer à la maison,  la tête et le cœur remplis de bonheur.
Hans, le berger, attend d’être seul pour venir se blottir contre l’olivier, l’enlacer et puiser son énergie bienveillante. Il lui promet de venir tous les soirs pour lui parler. Orphelin, il y a bien longtemps qu’il vit seul dans une vieille grange qu’il a restauré pierre après pierre, depuis le départ  de son protecteur, le colporteur, qui l’avait recueilli. Il trouve près de l’arbre un ami à qui confier ses joies et ses peines.

Au début du mois de décembre, les villageois préparent noël, c’est un moment important. Ils ne sont pas bien riches, et chacun va contribuer comme il le peut au repas commun. Les enfants espèrent avoir un petit cadeau, bien souvent un vêtement neuf cousu par leur maman ou simplement une chemise de leur ainé, ajustée et raccommodée.
La coutume veut qu’il y ait aussi un présent collectif offert aux mendiants, et aux personnes seules, souvent de la nourriture… Mais cette année, Hans demande à ce qu’on lui offre des seaux remplis d’eau du puits. Le fermier a été bien étonné, et il a pensé que c’était pour abreuver le troupeau car il n’a pas plu depuis octobre… A moins que Hans ne soit devenu fada, car il parle tout seul le soir à la nuit tombée sur la place du village…
Mais tous ont respecté son désir. Le soir de la veillée, une douzaine de seaux sont déposés près de la table dressée dans la grange du papet.  Après le repas, très joyeux, plein de rires  et d’amitié, Hans  propose aux enfants de l’aider à porter ses précieux cadeaux sur la place. C’est un drôle de cortège qui envahit la ruelle éclairée par la lune. Hans demande aux petits  de faire une ronde autour de l’olivier et il verse solennellement un peu d’eau sur le pied de l’arbre aux racines desséchées. Chacun fait de même… Et c’est au son du galoubet et du tambourin que s’achève cette belle cérémonie, avec des farandoles et des chants avant de déguster des délicieux desserts…

Tous les santons sont de la maison Escoffier
Tous les santons sont de la maison Escoffier
Tous les santons sont de la maison Escoffier
Tous les santons sont de la maison Escoffier

Tous les santons sont de la maison Escoffier

Lorsque le soleil pâle se lève au petit matin à travers la brume glacée, les gouttes d’eau se sont transformées en givre, illuminant l’olivier qui étincelle de blancheur en cristaux transparents. Féerie de Noël qui enchante petits et grands venus en procession admirer le spectacle…

Conte de l'olivier

Hans était là bien avant au pied de son olivier lorsque la lune faiblissait dans le ciel couleur d’opale…Ses bras enlaçant le tronc rugueux, les yeux plein de  larmes et d’émotion, il a remercié son ami pour ses bienfaits et pour toute cette énergie qu’il recevait…

Il a alors entendu l’olivier, de sa voix grave et douce,  lui chuchoter des mots d’amour…

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M
Quel magnifique conte, chaque année tu m'émerveilles par ton imagination, ta créativité et tes mots si doux, remplis de sensibilité... Merci
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E
J'aime beaucoup... Merci pour ce joli conte que j'ai partagé sur F...<br /> Et puis le santon de la vierge enceinte : Top !<br /> Bisous à tous les 2
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Merci Elisabeth, un conte est toujours une petite histoire que l'on peut interpréter de plusieurs façons, c'est son intérêt. Et je prends toujours beaucoup de plaisir à l'écrire...