Le baroque de Pénélope

Quelle chance, Pénélope vient de me laisser un petit message… Pour les vacances, elle est de retour chez elle, et elle va venir prendre un café. C’est vrai qu’il y a bien longtemps que nous ne nous sommes pas retrouvées  et elle a beaucoup de choses à me raconter.
Je lui cuisine une tarte aux pommes, et prépare nos tasses. Car la jeune journaliste est  souvent en avance. D’ailleurs, je ne me suis pas trompée. La voici, en pleine forme !
« Coucou, ahhhhh ça me fait plaisir de te voir ! Si tu savais tout ce que j’ai fait pendant ces dernières semaines ! Des reportages, des photos, j’ai  écrit des biographies de personnalités de la mode… Enfin bref, c’était intense ! Et toi ? »

« Moi, je …. »
« Oh, pas de petits gâteaux comme d’habitude ? »
« Tu m’as prévenue ce matin de ta visite, et je n’avais pas ce qu’il fallait. Mais regarde… »
Je lui présente fièrement ma tarte toute dorée…
« Une tarte ! Bon, ce n’est pas ce que je préfère, mais je crois que je vais me régaler quand même ! »
D’ailleurs, elle commence à couper des parts, nous sert généreusement, et croque dans un morceau.
« Miam, délicieuse ! »
Ouf, tout va bien. Je m’assieds confortablement.
« Devine ce qui m’arrive et pourquoi je viens te voir si rapidement. »
Je n’ose espérer que cela soit pour le plaisir de papoter un peu… A moins que mes petits sablés ne lui manquent.Devant ma moue dubitative, elle enchaîne :
« Je participe à un concours de nouvelles pour les jeunes journalistes, organisé par le journal Votre Région  et c’est la cata pour moi. »
« Je ne comprends pas, si tu t’es inscrite… »
Avant que je ne finisse ma phrase, elle déclame :
« Le thème ! Il vient d’être tiré au sort…. »
D’un air désespéré, elle chuchote :
« Quelques notes de musiques, du classique au moderne ».
Elle se lève pour se servir une nouvelle part de tarte, se retourne vers moi :
« Tu vas m’aider, je sais que tu connais. Il faut que tu me joues un morceau, je prendrai une photo et je suis certaine que l’inspiration viendra. Allez zou, va chercher ton instrument. »
Quelques minutes plus tard, durant lesquelles elle a bu son café et englouti deux chocolats posé sur le buffet, je reviens avec ma flûte, des partitions, un pupitre.
« Oh, mais il t’en faut du bazar. »
Je m’installe tranquillement.
« Que veux-tu écouter ? »
« Aucune idée, ce que tu veux. »
Je m’exécute, et m’applique pour ce concert improvisé. Un adagio sera parfait. D’ailleurs, elle semble absorbée et attentive. Après la dernière note, elle relève la tête.
« Ben dis donc, il y a pas de quoi être énervée après ça. Tu ne connais pas un truc un peu plus rapide ? »
Allons-y pour un allegro de Vivaldi, cela devrait lui plaire. Elle en profite pour faire des photos, de face, de dos, de profil. Mais elle ne semble toujours pas très convaincue.

« Je m’attendais à quelque chose qui arrache… »
« J’aime beaucoup Albinoni, Vivaldi ou Lully, et tous les compositeurs de musique baroque. »
« Ouah, je ne savais même pas qu’il pouvait y avoir des hauts et des bas ! Tu m’en apprends de belles. »
« ??? »
« C’est formidable, tu es vraiment trop forte. Merci. Je sais ce que je vais écrire, ça va être extraordinaire !  Hop, hop, hop, super Pénélope. »
Elle me plaque un gros bisou sur la joue, attrape ses affaires, et me plante là. Je reste un moment à réfléchir. Que voulait-elle dire avec des hauts et des bas ?
Les semaines ont passé, Pénélope a repris son travail. Un soir, alors que je finissais de trier mes graines pour planter dans le jardin, elle m’appelle.
« Allo ? Ça va toi ? Je suis trop contente. J’ai remporté le concours de la nouvelle. »
Elle hurle de joie, j’éloigne un peu l’écouteur.
« Mais c’est formidable ! »
« C’est moi qui suis formidable hein ? Je t’envoie l’article publié, tu vas voir… J’ai réussi à modifier un peu ta photo pour que tu sois plus fun. Par contre, je n’ai pas compris pourquoi ils ont parlé d’un texte drôle, j’étais très sérieuse…»
Je vais de suite regarder son mail. Elle a été récompensée pour son histoire tout à fait originale et humoristique…Celle d’une musicienne un peu molle qui se transforme peu à peu pour devenir une star grâce à des compositions d’un jeune youtubeur  dont le pseudo est Luli… Heureusement qu’on ne pourra pas me reconnaître.

Je ne sais plus s’il faut en rire, mais c’est ce que j’ai fait, surtout avec le titre de son récit :
« La flûtiste du bas rock. »